Cahiers de doléances du Baillage de Cotentin

(Coutances et Secondaires)
Pour les États généraux de 1789
Publiés en 1905 par Emile BRIDREY – Docteur en droit.

St PIERRE D’ALLONNE

1. Procès verbal d’assemblée
Date de l’assemblée : 8 mars 1789
Comparants : André QUONIAM, syndic, Jean VRAC, Etienne GIOT, Jacques LEMASSON, Jean LECHEVEY, Charles VRAC, Nicolas MAUGER, Nicolas NEEL, Jean BRISSET, Guillaume QUONIAM, Pierre LEMASSON, Philippe de CROIX, André LEPREVOST, Pierre-Jean ROUALLE, Guillaume MAUTALENT
Nombre de feux : 100

2. Cahier de doléances
A Monsieur le Bailli de Cotentin ou Monsieur son lieutenant
Supplient humblement les habitants de la paroisse de Saint Pierre d’Allonne, et vous remontrent qu’en vertu de la Lettre et règlement de sa Majesté y annexé, pour la convocation des Etats généraux, ils prennent la liberté de vous adresser leurs plaintes et doléances sur la situation de leur paroisse, intimement persuadés que vous pouvez par votre médiation faire parvenir leurs réclamations jusqu’au trône du [digne] monarque qui veut faire le bonheur et l’avantage de ses peuples.

Voici les motifs de doléances de notre paroisse :

1. Le sol n’est qu’un terrain sablonneux qui ne produit que très peu de fruit ; elle est bornée par des montagnes de sable, en sorte que quantité de terres labourables ont été ensevelies par l’impétuosité des vents et totalement perdues ; il n’est point d’année que cet accident arrive.
2. La plus grande partie du revenu est possédée par les seigneurs et gentilshommes, les habitants ne possèdent de revenus pour la plupart qu’à titre de fieffe et fermage. Surchargés de rentes et d’impôts, ce qui les réduit à l’indigence.
3. Vous voudrez bien observer encore qu’ils n’ont aucunes espèces de secours. Ils ne pouvaient en attendre que de leur curé, mais il est impuissant de leur en procurer, et jamais aucun soulagement des gros décimateurs.
4. Il n’y a aucunes espèces de commerce, très peu de plant, en sorte que dans les années les plus abondantes, la dime ne consiste qu’en deux ou trois bottes de cidre. On ne peut nourrir que très peu de bestiaux, à cause de l’extrême sécheresse du terrain ; le bois y manque absolument.
5. On ne peut se procurer qu’avec beaucoup de peine les engrais nécessaires ; le chemin qui conduit à la mer étant impraticable.
6. Depuis peu, il a fallu reconstruire les presbytères de Notre Dame et de Saint Pierre d’Allonne, ainsi que l’église de la dite paroisse de Notre Dame, ce qui les a constitués dans de grands frais. Aujourd’hui, ils sont obligés de faire rebâtir la leur qui est en ruine ; on a même présenté requête en conséquence ; ce dernier objet va achever de les écraser.
7. Vous voudrez bien encore observer que,, payant beaucoup pour l’entretien des grandes routes, ils ne profitent point des avantages qui en résultent, vu qu’il n’y en a point dans l’endroit. Le désir de la paroisse serait qu’on ne payât qu’un seul impôt à sa Majesté.
8. La paroisse est dépourvue de journaliers, étant sur mer au service de sa Majesté, ce qui fait que le peu qui en reste se fait payait très cher.

Ce qui a été signé après lecture faite par Nicolas MAUGER, syndic de l’assemblée municipale, tous les habitants et signants ayant l’âge requis et les qualités requises aux termes du règlement fait par le roi le 24 janvier dernier ; Et a été de plus ledit cahier coté et paraphé par Pierre-Jean ROUALLE, notaire, greffier de la municipalité de la dite paroisse, ce 8 mars 1789.

Signatures : N. MAUGER, Syndic de l’assemblée générale, H. COSNIAM, Jean GIOT, Jean VRAC, Jean BRISSET, Jean LECHEVEY, P.LEMASSON, J. VRAC, A. PREVOST, ROUALLE, Philippe de CROIX, MAUTALENT, J. VRAC, A. COSNIAM.

NOTRE DAME D’ALLONNE

1. Procès verbal d’assemblée
Date de l’assemblée : 1er mars 1789
Comparants : Pierre LELIEVRE, Guillaume BOURGOISE, Louis BOURGOISE, Jean BOSQUET, Jean BOURGOISE, Jean GIOT fils de Jacques, Jean GIOT fils de François, Jean LEMASSON, Guillaume MENDRET, François LEVIEUX, François DUVAL, Jacques DUVAL, Pierre MAUTALENT, François MAUTALENT, Jean MAUTALENT, François GODEY, Henry LECROISEY.
Nombre de feux : 96

2. Cahier de doléances
A Monsieur le Bailli de Cotentin ou Monsieur son lieutenant
Supplient humblement les habitants de la paroisse de Notre Dame d’Allonne, et vous remontrent qu’en vertu de la Lettre et règlement de sa Majesté y annexé, pour la convocation des Etats généraux, ils prennent la liberté de vous adresser leurs plaintes et doléances sur la situation de leur paroisse, intimement persuadés que vous pouvez par votre médiation faire parvenir leurs réclamations jusqu’au trône du [digne] monarque qui veut faire le bonheur et l’avantage de ses peuples.

Voici les motifs de doléances de notre paroisse :

1. Le sol de cette paroisse n’est qu’un terrain sablonneux pour la majeure partie, de très peu de rapport, même dans la plus médiocre sécheresse. Cette Paroisse est bornée par des montagnes de sable, en sorte que beaucoup de terres labourables se trouvent ensevelies sous le sable par l’impétuosité des vents et totalement perdues ; il n’y a presque point d’années que cet accident n’arrive et ne cause de nouvelles alarmes qui sont pour les trop fidèles compagnes des pertes réelles. Plus des deux tiers des fonds de la paroisse appartiennent aux seigneurs et gentilshommes. Les habitants sont, pour ainsi dire, tous fieffataires et fermiers surchargés de rentes et d’impôts, ce qui les réduit, pour la plupart, à une fâcheuse indigence.
2. Il est des paroisses qui ont l’avantage d’avoir des personnes opulentes qui procurent à leurs pauvres les secours nécessaires. Celle de Notre Dame d’Allonne est bien privée de ces ressources ; d’un côté, le seigneur ne jouit que d’une médiocre fortune ; de l’autre, les gros décimateurs qui possèdent les deux tiers des grosses dimes ne donnent jamais aucun soulagement, en sorte que les malheureux n’ont d’autre refuge que la maison du curé, dont le bénéfice ne peut être plus petit et [qui n’est] nullement dans le cas de détourner le triste spectacle de la misère de ses pauvres ;
3. Il n’y a et ne se fait aucun négoce ni commerce dans cette paroisse qui puisse lui permettre aucun profit ; très peu de plant, en sorte que, dans les plus fertiles années, la dime ne consiste tout au plus qu’en trois ou quatre bottes de cidre.
4. Depuis environ vingt-cinq ans jusqu’à présent, la paroisse de Notre Dame d’Allonne s’est trouvée assujettie aux frais de la reconstruction et réparation du presbytère et nef de son église, et en plus outre des presbytères de Saint Pierre d’Allonne et Barneville, à cause du mélange des terrains, et elle serait à la veille de contribuer à la réédification de l’église de Saint Pierre d’Allonne, en totale ruine, dont requête est présentée, ce qui augmente les grands et véritables sujet de ses doléances.
5. Elle désirerait bien, Monsieur, pouvoir les arrêter ici, dans la crainte de fatiguer votre attention, mais elle se confie en ce que vous êtes, Monsieur, incapable de rejeter les vœux plaintifs d’infortunés qui réclament, à juste titre, votre sage équité. Elle a encore l’honneur de vous représenter que plus des deux tiers des jeunes gens de la paroisse sont au service de sa Majesté, en qualité de matelots, ce qui diminue beaucoup l’avantage de l’agriculture et met les habitants dans l’impuissance de se procurer des ouvriers, et, par cette rareté, le peu qui s’en trouve est fixé à un prix extraordinaire. Daignez aussi permettre de vous observer que la paroisse de Notre Dame d’Allonne est taxée contribuable aux frais des grades routes, dont elle ne peut tirer aucun profit, de l’avantage qui en résulte, vu qu’elle en est fort éloignée.

Voilà, Monsieur, en abrégé, les plaintes et doléances de la paroisse de Notre Dame d’Allonne. Elle espère que vous daignerez les mettre sous votre protection. En conséquence, elle ne cessera d’adresser ses vœux pour la conservation du règne de sa majesté et de vos jours.
Les vœux de la paroisse seraient que l’usage de l’eau de mer fût permis aux pauvres pour l’amélioration de leur terre et saler leur soupe, vu la grande cherté du sel ; que l’on fût exempt du déport, parce que les pauvres en soufrent, que chaque particulier ne payât qu’un seul et même impôt à Sa majesté ; que, s’il se trouvait quelque contestation en matière civile, au dessus de cent livres, parmi les paroissiens, elle fût terminée par quatre des plus notables, en présence du seigneur et du curé, sans être susceptible d’aller de tribunal en tribunal, ce qui ruine souvent les familles.

Ce qui a été signé, après lecture, par les habitants ayant l’âge requis aux termes du règlement de Sa Majesté en date du 24 de Janvier 1789, et coté et paraphé, ce 1er mars 1789.

Signatures : F. LEVIEUX, P. LELIEVRE, Syndic, P. MAUTALENT, J. GIOT, J. MAUTALENT, J. LEMASSON, J. BOSQUET, J. GIOT, G. MENDRET, Jean BOURGOISE, G. BOURGOISE, F. GODEY, L. BOURGOISE, Fr. DUVAL.
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