Le Mont St Michel

La nature a donné pour cadre au Mont Saint-Michel un paysage étrange et grandiose. A la jointure des côtes normandes, qui font face à l’Ouest, et des côtes bretonnes qui regardent le Nord, la mer a creusé une baie vaste et profonde. Les superbes pointes du Roc de Granville et du Grouin de Cancale, en limitent l’ouverture, large de 22 kilomètres, par où le flot de la Manche s’avance jusqu’à 23 kilomètres dans l’intérieur des terres. Tout au fond de la baie débouchent trois rivières : la Sée et la Sélune, au Sud-est, qui se réunissent en un large estuaire commun ; et le Couesnon, au sud, dont le cours est considéré comme la limite entre la Bretagne et la Normandie.
Le lit du Couesnon n’a pas toujours été fixé comme aujourd’hui. La baie s’échancrait jadis plus profondément vers l’intérieur des terres et la rivière divaguait à travers les grèves dont une tempête suffisait à modifier les fonds. C’est ainsi que le large ruban argenté qui, à marée basse, marque la dernière partie de son cours au milieu des sables mouvants, passait tantôt d’un côté du mont, tantôt de l’autre, ce qui permettait à chacune des deux provinces de le revendiquer tour à tour. Rivalité qu’exprime bien ce distique dont le dépit indique l’origine bretonne :

« Le Couesnon, dans sa folie,
 a mis le Mont en Normandie »


Cette baie semble s’être formée à une époque relativement peu lointaine par un brusque envahissement de la mer. Suivant la tradition locale, elle occuperait l’emplacement de l’ancienne forêt de Scissy ou de Quokelunde qu’un raz de marée aurait submergée en l’an 709.
La baie du Mont Saint-Michel doit son caractère très spécial à ce qu’elle est, en quelque sorte, restée un territoire indivis entre la Manche et le Continent, l’objet d’une contestation séculaire entre les deux éléments.
Deux fois par 24 heures le flux couvre et le reflux découvre avec une étonnante rapidité cette étendue de 300 kilomètres carrés. Nulle part sur nos rivages, le flot ne monte ni ne descend à une pareille allure : le phénomène est dû à l’amplitude des marées de la Manche qui atteignent dans ces parages jusqu’à 15 mètres d’élévation verticale au dessus du niveau des basses mers et ne trouvent ici devant elles aucun obstacle, aucun relief sensible.
L’immense étendue de la baie semblerait désespérément vide si le Mont Saint-Michel, ce rocher miraculeux, ne surgissait au beau milieu des grèves.
 
Notre Moyen âge lui a donné son nom, sa forme et son aspect définitif. Militaire à la base dans la cuirasse de pierre de ses remparts ; bourgeois et marchand au dessus dans le pittoresque dédale de sa petite ville ; religieux plus haut dans l’entassement prodigieux de ses constructions abbatiales ; mystique au sommet dans l’élan de son église et de sa flèche, tel apparait le Mont, comme la synthèse même de la civilisation médiévale. Sur ce rocher isolé, toute une époque semble avoir voulu s’exprimer, se résumer, dans son histoire, son art et sa foi, comme si tout l’Occident chrétien, menacé de périr, avait eu dessein de laisser ce témoin, dressé au-dessus du triple abîme des flots, des sables mouvants et de l’oubli.

C’est dans ce sens que le Mont Saint-Michel mérite bien d’être nommé la « Merveille de l’Occident ».

Source : Le Mont Saint-Michel – André LUDOIS

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